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Déconfinement des logiques du capitalisme

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Déconfinement des logiques du capitalisme

Repenser l’impensable avec Hyman Minsky : la taxation des plus riches pour lutter contre le chômage de masse.

Déconfinement des logiques du capitalisme

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XABI LARRALDE

Docteur en Économie

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XABI LARRALDE

Docteur en Économie

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Les lendemains du confinement sanitaire pourraient déboucher sur une crise économique de grande amplitude. Cela tient aux effets négatifs cumulés qu’entraîne un arrêt brutal de l’activité économique, mais aussi au fait que les modalités de gestion de la crise de 2008, au lieu d’assainir la situation, ont contribué à fragiliser un peu plus le système. Parmi ces éléments, il faut souligner que le maintien à tout prix d’une logique de la croissance est responsable de niveaux d’endettements sans précédent (en temps de paix) de tous les agents économiques (États, entreprises, ménages) à travers le Monde.

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Photo: Jonathan-Brinkhorst, Unsplash.

La dette à l’échelle mondiale atteindrait aujourd’hui 320 % du PIB mondial. Selon un rapport publié en octobre dernier par le Fond Monétaire International, 40 % de la dette des entreprises des 8 économies les plus importantes au Monde serait exposée à un risque de défaut, ce qui correspond à une proportion beaucoup plus importante que celle observée en 2008. Le mécanisme infernal qui risque de se mettre en place est qualifié de déflation par la dette en économie.

Il est aisé de comprendre qu’une entreprise qui a contracté des emprunts pour développer son activité ne pourra pas honorer ses engagements si la mise entre parenthèses de son activité dure trop longtemps. Idem pour un ménage qui s’est endetté pour acheter son logement : si son revenu salarial diminue fortement, il a aura des difficultés à rembourser son crédit. Du côté de la demande, cette situation critique entraînera une nouvelle baisse de la consommation et de l’investissement.

Ce qui signifie du côté de l’offre que la production va diminuer du fait de la contraction de ses débouchés. Des entreprises seront alors obligées de licencier, voire de fermer leurs portes. L’augmentation du chômage va ralentir encore plus la consommation et l’investissement, etc. Et au fur et à mesure que cette spirale infernale se déploie, les prix baissent, et la charge relative de la dette contractée augmente, contribuant encore plus à mettre la tête sous l’eau aux différents acteurs économiques.

Des entreprises seront alors obligées de licencier, voire de fermer leurs portes. L’augmentation du chômage va ralentir encore plus la consommation et l’investissement, etc.

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Photo: Robert Metz, Unsplash.

Considéré jusqu’alors comme un iconoclaste, l’économiste américain Hyman Minsky a connu une postérité sans précédent aux lendemains de la crise de 2008. Dans un ouvrage publié en 1986 sous le titre « stabiliser une économie instable » il avait en effet décrit le cycle d’endettement du capitalisme et de sa crise en des termes très proches des modalités de développement de la crise des subprime.

Il est évident que la pertinence avérée des analyses de H. Minsky en ont gêné plus d’uns et d’unes au sein des élites politiques, économiques et académiques… La mémoire de ceux qui configurent la pensée « politiquement correcte » étant très sélective, il est frappant de constater qu’on a jamais trop entendu parler d’une proposition d’H. Minsky en faveur du plein emploi, qui consiste à positionner l’État comme « employeur en dernier ressort ». Dans le contexte actuel caractérisé par le risque d’une flambée du chômage, ce type de proposition revêt un intérêt tout particulier.

L’idée de H. Minsky est simple : la puissance publique doit garantir un emploi à tous, rémunéré à un niveau de salaire minimum. L’idée n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans la tradition du New Deal mis en place aux États-Unis par Roosevelt pour répondre à la crise de 1929. Cette politique d’employeur en dernier ressort (EDR) inspire les politiques d’emploi public permanent (PEPP), ou encore les propositions de garantie d’emploi universelle à travers le monde. Dans les pays émergents, deux expériences majeures de PEPP ont été réalisées, l’une en Inde (le National Rural Employment Guarantee Scheme depuis 2005), et l’autre en Argentine (plan Jefes y jefas de Hogar Desocupados en 2002). En Europe, les pas vers des PEPP sont très timides. En France par exemple, l’expérimentation en cours sur le projet « territoire zéro chômeur de longue durée » peut être considérée comme un prémisse à suivre de près. Aux États-Unis, la garantie d’emploi universelle faisait partie des propositions de Bernie Sanders qui vient, hélas, de jeter l’éponge dans la campagne à l’investiture pour les présidentielles. La question qui revient évidemment systématiquement est celle du coût et du financement de l’EDR ou des PEPP.

Il est évident que la pertinence avérée des analyses de H. Minsky en ont gêné plus d’uns et d’unes au sein des élites politiques, économiques et académiques…

En ce qui concerne le coût, il faut d’abord prendre en compte l’argument majeur d’H Minsky : la diminution drastique du chômage permet de soutenir la demande, et stabilise le cycle économique en évitant à la société les dégâts causés par les crises à répétition. Maintenant, si on aborde ce coût du strict point de vue financier, il faut considérer qu’il se décompose au niveau sociétal en trois parties égales. Un tiers de ce coût est lié aux aides attribuées (prestations chômage, RSA,…). Un autre tiers provient des pertes d’impôts, et de cotisations imputables au chômage. Un dernier tiers vient des dépenses générées par les conséquences sociales et sanitaires du chômage : pathologies en tout genre (dépression, alcoolisme,…), violences diverses et variées, etc. Que nous enseigne l’observation des quelques expériences de PEPP connues ? Tout d’abord que leur efficacité dépend de leur mise en œuvre décentralisée (ce qui n’est pas un détail du point de vue abertzale). Ensuite, que le bilan concernant le dernier tiers du coût financier du chômage est plus que positif. On remarque par ailleurs une amélioration des conditions d’égalité homme-femme qui se concrétise par une plus grande autonomisation économique des femmes… Évidemment, si les PEPP permettent une baisse importante du chômage, l’ardoise du second tiers du coût financier du chômage est effacée. Reste le premier tiers… Alors comment financer ce type de mesures ? On peut notamment trouver des réponses chez les économistes qui ont conseillé Bernie Sanders. Ainsi, remarquons en préalable que pour des économistes comme Stéphanie Kelton (figure de proue de la « théorie moderne de la monnaie »), le problème du déficit public doit être relativisé car ce dernier peut être adossé à un processus de création de monnaie. Il faut aussi citer des économistes français à la renommée internationale qui ont soutenu Bernie Sanders : Thomas Piketty et Gabriel Zuckman. Pour ce dernier, l’idée est simple : taxer les riches (Voir son entretien au quotidien le Monde du 14.10.2009). Effectivement, pour revenir à H. Minsky, la politique d’employeur en dernier ressort impliquait selon lui l’euthanasie (en tout cas partielle) des rentiers chère à J. M. Keynes. Et fondamentalement, la leçon des réflexions originales de H. Minsky se situe sûrement là : on ne pourra pas faire face au chômage de masse auquel on risque d’être confronté sans un partage radical des richesses et une réduction drastique des inégalités.

L’idée de H. Minsky est simple : la puissance publique doit garantir un emploi à tous, rémunéré à un niveau de salaire minimum. L’idée n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans la tradition du New Deal mis en place aux États-Unis par Roosevelt pour répondre à la crise de 1929.

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Photo: Alice Pasqual, Unsplash.